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Le Bleu du Caftan primé au festival de Cannes

Le Bleu du Caftan primé au festival de Cannes

Le film parle de “’transmission, de tradition et d’amour, au sens le plus large du terme”.

Au casting: Saleh Bakri, Lubna Azabal, Ayoub Missioui, Mounia Lamkimel, Hamid Zoughi et de nombreux autres comédiens et comédiennes marocains.

Ce film co-produit par Nabil Ayouch et Amine Benjelloun, met en scène Halim et Mina, un couple qui tient une boutique de caftans dans la médina de Salé, rejoint par Youssef, un jeune apprenti qui partage avec son maâlem, Halim, la même passion sincère pour la couture.

La réalisatrice Maryam Touzani, marocaine signe un film sur l’amour et la liberté, celle d’être qui on est, et d’aimer qui l’on veut aimer.

Maryam Touzani

Interview

Racontez-nous la genèse de votre film.

« Pendant les repérages d’Adam, mon précédent film, j’ai fait une rencontre dans la médina de Salé avec un homme qui tenait un salon de coiffure pour dames. J’ai ressenti quelque chose de l’ordre du non-dit dans sa vie, quelque chose d’étouffé par rapport à qui il était dans son for intérieur, et qui il essayait d’être face au monde, en raison de son milieu très conservateur. Je me suis retrouvée à imaginer sa vie. Les mois ont passé, et il était toujours là, refaisant surface de temps à autre dans mes pensées. 

J’ai imaginé ce que c’était que d’être dans la peau d’un tel homme, d’être constamment en lutte, de vivre toute une vie dans la contradiction et trop souvent dans la honte. Ce que c’était que d’être l’épouse de cet homme-là, de mener une existence parsemée de doutes, de vivre dans l’insatisfaction, ou même dans la culpabilité… Et presque toujours, dans le non-dit. Le non-dit, ce fardeau si lourd à porter, si dur à briser. Cela demande un courage démesuré de réussir à affronter une telle vérité, surtout dans une société qui peut être aussi conservatrice que celle dans laquelle je vis.

Cette vérité, j’ai eu besoin de l’entendre, de m’y confronter. J’ai donc cherché à échanger avec des personnes qui la connaissaient. Au fur à mesure de mes rencontres, le désir est devenu de plus en plus fort, de parler de ces hommes et de ces femmes qui s’effacent où qu’on efface.

Quelques mots sur vos interprètes ?

J’avais déjà travaillé sur le tournage d’Adam avec Lubna Azabal, et je savais de quoi elle était faite, je savais qu’elle allait comprendre et aimer véritablement Mina. En écrivant Le Bleu du Caftan, j’avais son visage en tête, certainement parce qu’elle a cette même force de caractère que Mina.

Avec du recul, je pense qu’elle a inconsciemment influencé mon écriture. Le tournage a été très dur pour elle : pendant que Mina perdait la vie, Lubna a découvert que son père était gravement malade. Lubna a eu un courage extraordinaire de vivre en parallèle l’agonie de son personnage et la fin de vie de son père. C’était très dur, mais il y avait une forme de poésie dans cette situation, comme si elle accompagnait son père à distance, comme si elle vivait la mort avec lui. 

Quand Saleh Bakri a lu le scénario, il est tombé amoureux du personnage de Halim. Il a compris quelles étaient ses déchirures, à quel point il était beau, à quel point il avait des choses à dire au monde.  Des choses qu’il avait, lui aussi en tant qu’artiste, envie de défendre. Pour interpréter un personnage homosexuel tel que Halim, dans le monde arabe, il faut beaucoup de croyance et de courage. 

Ayoub Missioui, tout comme Saleh, a fait preuve du même courage. Youssef, le personnage qu’il interprète, est son premier rôle au cinéma. Face à l’incertitude des réactions que le film pourrait susciter au Maroc, il s’est montré totalement investi. J’ai senti très vite qu’il avait la maturité pour le comprendre, qu’il l’aimait, et qu’il avait la sensibilité et le talent pour le porter et le défendre.


Maryam Touzani est née à Tanger, y passe son enfance avant d’aller étudier le journalisme à Londres. Après ses études, elle travaille au Maroc comme journaliste et se spécialise dans le cinéma du Maghreb. Très vite, elle souhaite réaliser ses propres films.

En 2008, pour la première journée nationale des droits des femmes au Maroc, elle écrit et réalise un documentaire. D’autres suivront avec un certain succès.

En 2012 son premier court-métrage de fiction « Quand ils dorment » sera primé 17 fois dans de prestigieux festivals à travers le monde.

En 2015, son deuxième court-métrage, « Aya va à la plage » est lui aussi primé 15 fois lui permettant d’être enfin reconnue comme auteure et réalisatrice.

Much Loved (2015) du réalisateur Nabil Ayouch, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, va lui permettre d’assoir une véritable notoriété. Elle va approfondir ses compétences en concourant de près avec le réalisateur, au développement du scénario et en intervenant au tournage

Puis, elle co-écrit avec Nabil Ayouch son dernier long métrage « Razzia » qui représente le Maroc aux Oscars, est présenté en compétition au Festival international du film de Toronto. Elle y interprète magistralement  un des rôles principaux, ce qui lui permet de se retrouver pour la première fois de l’autre côté de la caméra.

La sélection officielle “Un certain regard”

comprend 19 films du monde entier.

Le Prix FIPRESCI a été décerné pour la première fois à Cannes en 1946. Le jury du prix de cette 75e édition du festival, était présidé par le réalisateur égyptien Ahmed Shawky et constitué des critiques Mariola Wiktor (Pologne), Nathalie Chifflet (France), Emanuel Levy (États-Unis), Simone Soranna (Italie), Jihane Bougrine (Maroc), Magali Van Reeth (France), Bidhan Rebeiro (Bangladesh) et Youssoufa Halidou Harouna (Niger).

Gérard Flamme