En horlogerie, les acheteurs ont deux options : spéculer sur les montres les plus recherchées en ce moment et espérer que leurs côtes augmenteront encore, ou rechercher des montres moins connues dont la valeur peut augmenter avec le temps. Petit tour d’horizon d’un marché qui mute et où tout est possible…
En temps de crise, les amateurs qui cherchent à protéger leurs actifs s’appuient souvent sur des valeurs établies. De nos jours, le marché de l’art se porte à merveille, tout comme l’horlogerie haut de gamme. Chez Rolex, aucune crainte à avoir : les meilleures références, dont l’Oyster Perpetual Submariner, l’Oyster Perpetual GMT-Master ou le célèbre Cosmograph Daytona Chronograph, sont rarement disponibles en magasin. En fait, moins ces modèles sont nombreux, plus les gens sont désireux d’en acquérir au moins un. Cet engouement pour les biens positionnés a même donné un fort coup de pouce au marché de l’occasion, au point de voir exploser le volume des pièces de seconde main. En particulier, l’augmentation de la valeur de revente de certains instruments est une marque distinctive de l’horlogerie. Cependant, cette tendance inquiète parfois les Maisons Editrices.
Ce fut le cas pour Patek Philippe, car le célèbre Nautilus a presque fait l’objet de folles spéculations. Son prix, à l’instar de la fameuse Royal Oak de base produite par son concurrent direct Audemars Piguet, est presque trois fois plus cher qu’un neuf. Sophian Hamdi, directeur de la boutique MMC à Paris, spécialiste des montres de luxe d’occasion et de collection, rappelle que la croissance était initialement liée aux envies de l’élite de partager un entre-soi avec des signes bien distinctifs, mais la crise actuelle et la volonté de capitaliser des spéculateurs sur des garde-temps statutaires à fort potentiel l’ont exacerbée.
A l’heure des seconds couteaux
Résumer le marché de la montre iconique en ne citant que les cinq montres ci-dessus semble presque incongru. Comme le souligne Michel Fréret, détaillant spécialisé dans les marques de niche près de la place Vendôme, « peu de garde-temps ont pu connaître une croissance fulgurante. Et plus le temps passe, moins ils deviennent disponibles alors que leur prix continue de grimper ». Heureusement, il existe d’autres icônes incontestées. Ces garde-temps sont loin d’être comparables aux records précédents en termes de désirabilité, mais les connaisseurs savent y voir des références qui leur garantiront un statut sur le marché de l’occasion.
Parmi les plus populaires, citons : la RM 016, la plus accessible de toutes les Richard Mille ; la Santos de Cartier, la Speedmaster d’Omega, la Chrono Monaco de TAG Heuer et la Reverso de Jaeger-LeCoultre. Ces deux derniers modèles, parmi les plus abordables, jouissent d’une aura en France. En cherchant parmi les candidates au titre d’icônes horlogères, on peut facilement retenir les pièces destinées aux sportifs de haut niveau et aux militaires, comme la Radiomir 1940 d’Officine Panerai, la Fitfty Fathoms de Blancpain et le chrono Type 20 de Breguet.
Donner une chance au produit
En première analyse, le marché ne semble contenir qu’une vingtaine de garde-temps qui pourraient prendre de la valeur une fois achetés. C’est incroyablement petit ! Maintenant, d’autres produits ont la potentialité d’être vraiment attractifs. Cela dépend fondamentalement de la marque, de la manière dont elle communique et de l’histoire qu’elle véhicule. Tout cela détermine pour elle l’intérêt du public. En s’engageant à servir de chronométreur pour la course du Vendée Globe 2020, le manufacturier Ulysse Nardin entend attirer l’attention des amateurs de voile les plus à l’aise financièrement sur sa collection Marine. Objectif : amener ces prospects à voir cette ligne comme un signe d’appartenance et de réussite. Parce que tout est là. Pour garantir la croissance aux montres, elles doivent apporter à celui qui les porte la reconnaissance de leur succès. Cependant, en tant que symbole identitaire intangible d’une tribu, les marques horlogères doivent s’efforcer d’être une, et surtout de le rester.
On sait que Breitling a récemment brouillé les pistes avec ses communications multi-axes et a perdu une partie de son audience auprès des pilotes de ligne. Cela n’a pas échappé à la Manufacture Zenith, qui a tenté en vain de s’emparer de la place. Pendant ce temps, d’autres marques recherchent des clients et des identités. Grand Seiko, entité longtemps confinée au Japon, tente depuis des années de conquérir le marché européen avec de beaux garde-temps classiques.
Elles sont qualitatives comme celles de la marque célèbre à la couronne, mais doivent trouver leur place dans ce secteur hyper concurrentiel où Seiko, installée en Europe depuis les années 1960, s’est imposée comme l’icône d’un public à la recherche de montres tout à la fois robustes et abordables.
Aller vers d’autres possibilités
Le statut d’une icône est d’autant moins discuté qu’il est bien souvent complètement irrationnel et change avec les époques et les modes. Heureusement, comme le dit Michel Fréret : « Le monde est bien fait, et certains collectionneurs préfèrent l’originalité. Ils se tournent alors vers des produits horlogers moins connus, moins vus et souvent moins chers, plutôt que de succomber à la spéculation horlogère en général. Cela donne au moins une chance à la concurrence ». De plus, les amateurs à la recherche de perles rares vont s’informer de l’évolution de la marque. Parce que cela dépend généralement de son attractivité. Au centre de cette nébuleuse, se trouve de véritables pépites d’or. Parmi les maisons indépendantes, il faut découvrir la Manufacture F.P. Journe. Ses créations illustrent le génie du fondateur et ont une excellente côte dans les salles de vente aux enchères. Il en va de même pour la marque saxonne A. Lange & Söhne, dont les pièces n’ont pas perdu de valeur.
Mais pourquoi chercher ailleurs ce qu’il y a en France ? Des marques comme Péquignet méritent l’attention des collectionneurs, car la manufacture de Morteau propose de beaux garde-temps avec des mouvements construits et assemblés en interne. Dans le petit cercle des puristes horlogers, les séries produites en petite quantité et équipées du « Mouvement Royal » ont gagné en notoriété et sont activement recherchées sur le marché de l’occasion où elles restent chères. Mais ce petit monde est presque gardé secret, car seuls quelques garde-temps prennent de la valeur après achat. Ceux cités ici sont certainement les plus susceptibles d’être transmis aux générations futures. Par conséquent, les identifier empêchera les personnes les plus audacieuses de se tromper.
Erdan Naréh-Telrit